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ACTUALITé
27/10/2015
Loi Macron : Une possibilité d'exclure des associés en cas de redressement judiciaire

Dans une société, il existe un droit intangible pour tout associé ou actionnaire de demeurer au sein de celle-ci, dès lors qu'il a satisfait à ses obligations légales à l'égard de la société. Cela consiste essentiellement en la libération des apports. La qualité d'associé et le droit de conserver cette qualité d'associé résulte du droit de propriété sur les parts sociales ou actions. Ce droit de propriété a une valeur constitutionnelle. 

Une assemblée générale, même avec la majorité renforcée, ne pourrait donc pas décider de forcer un associé à céder ses actions.

Néanmoins, il peut être prévu des clauses statutaires ou extra-statutaires dont les conditions sont strictes, pour pouvoir exclure un associé. Pou cela, il faut que les conditions de mise en œuvre soient nettement précisées et qu'elles soient conformes à l'intérêt social. En outre, il existe également des cas légaux d'exclusion.

C'est notamment le cas de la loi Macron du 6 août 2015. En effet, le dispositif de cette loi permet d'exclure des associés majoritaires d'une société qui se trouve en redressement judiciaire.

En effet, cette loi introduit l'article L631-19-2 du Code de commerce, qui permet au tribunal d'évincer les associés majoritaires récalcitrants à une modification du capital social exigée par un plan de redressement.

Plus précisément, le juge peut soit opérer une dilution forcée de leurs droits sociaux en désignant un mandataire devant voter l'augmentation à la place des associés récalcitrants ; soit ordonner la cession forcée des titres des actionnaires majoritaires exerçant un blocage.

Ce mécanisme ne s'appliquera qu'aux entreprises de plus de 150 salariés, à condition que leur cessation d'activité soit de nature à causer un trouble grave à l'économie nationale ou régionale et au bassin de l'emploi, et que la modification du capital social apparaisse comme la seule solution sérieuse permettant la poursuite de l'activité de la société.

Il faut noter que cette disposition est fortement attentatoire au droit de vote et au droit de propriété des associés touchés par cette mesure. C'est pour cela qu'il a été mis en place un mécanisme de garantie. Notamment, en cas de désaccord entre les associés sur la valeur des droits à céder, on peut avoir recours à un expert.

Egalement, cela est porteur d'insécurité juridique. En effet, selon l'ordonnance du 31 juillet 2014 ayant modifié l'article 1843-4 du Code civil, l'expert n'est lié par les modalités de calcul fixées dans les statuts ou dans un pacte extra-statutaire que dans les cas où la loi y renvoie expressément. Or, aucun renvoi n'est ici opéré.

L'associé perd donc la garantie permettant de lier l'expert aux modalités conventionnelles ou statutaires pour déterminer la valeur des titres. Cela aura une incidence. En effet, cette évaluation de la valeur des titres risque d'être source de contentieux alors que nous sommes en présence de procédures nécessitant une certaine rapidité.

De plus, le critère relatif au « trouble grave à l'économie nationale ou régionale et au bassin de l'emploi » est relativement flou. On peine à voir la délimitation de ce critère et ce à quoi il renvoie.

Malgré cela, il faut constater que le Conseil constitutionnel a rendu une décision le 5 août 2015 concernant ce dispositif. En effet, celui-ci a déclaré ce mécanisme conforme à la Constitution du 4 août 1958.

Partant, il faut bien admettre que ce dispositif présente de nombreux intérêts. En effet, cela permet, tout d'abord, aux créanciers de convertir leur créance en capital sans avoir à demander l'accord de l'assemblée générale des associés.

En outre, cela peut permettre de lutter contre l'attentisme de certains associés et la prise de décision de ceux-ci dans leur seul intérêt personnel, au détriment de celui de la société. L'épée de Damoclès qui pèsera sur les actionnaires, poussera ceux-ci à s'impliquer davantage dans le sauvetage de leur entreprise. En effet, cela pourra les pousser à plus négocier, à accepter davantage de concessions, voire même à accepter de renoncer à certains de leurs titres. Tout cela, en aval, avant toute mise en jeu de ce mécanisme.

Néanmoins, cela peut aussi avoir un effet pervers. Celui, pour des associés ayant peur de perdre leurs titres, de prendre des décisions trop hâtives dans le but de ne pas faire l'objet de cette procédure.