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Nouvelle loi anti-terroriste : vers une pérennisation de l’état d’urgence ?

La loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme est entrée en vigueur le 1er novembre 2017, mettant un terme à l’état d’urgence prolongé six fois depuis novembre 2015, tout en instaurant, dans le droit commun, des mesures visant à lutter efficacement contre le terrorisme car, si « la France ne peut vivre continûment sous un régime d’exception qui nuit à son rayonnement », « la menace reste forte » selon Gérard Collomb, ministre de l’intérieur.

Si l’état d’urgence, mesure exceptionnelle, impliquait une restriction temporaire des droits individuels au service de la sécurité publique, cela n’en est pas moins vrai de la loi adoptée qui pérennise ces limitations apportées aux libertés publiques.

Finalement, l’ambivalence dont faisait part le ministre de l’intérieur se retrouve dépeinte tout le long des articles sur les mesures adoptées.

Quatre nouvelles mesures de police administrative ont été crées.

  • Des zones de protection ou de sécurité pourront être instituées par arrêté aux abords « d’un lieu ou d’un évènement soumis à un risque d’actes de terrorisme à raison de sa nature ou de l’ampleur de sa fréquentation ». il s'agit de zones dans lesquelles la fouille des personnes et des bagages sera autorisée.
  • La fermeture des lieux de culte est facilitée. Elle pourra être ordonnée par le Préfet, pour une durée maximale de six mois, en cas de lien avec le terrorisme. Les motifs de fermeture, visant les «écrits» ou «propos tenus» mais aussi les «idées et théories» qui y seraient diffusées à des fins de soutien au terrorisme, ont été élargis à «la haine et la discrimination».
  • Les assignations à résidence ont été assouplies. Nommées « mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance » auxquelles sont soumises les personnes susceptibles de porter atteinte à l’ordre public, elles seront prononcées sur le territoire d’une commune -et plus seulement au sein d’un domicile - afin de préserver la vie familiale et professionnelle de l’intéressé. Par ailleurs, la personne visée devra se présenter à la police une fois par jour, et non plus trois fois.
  • Les perquisitions, renommées pudiquement « visites », dans le cadre de la lutte antiterroriste, sont désormais soumises à l’aval du juge des libertés et de la détention du TGI de Paris.Elles pourront s’accompagner de saisies de documents ou de données et devront avoir lieu entre 6h et 21h, comme les perquisitions classiques.

Par ailleurs, dans le cadre de la lutte contre la radicalisation, un fonctionnaire pourra être muté, voire radié, si une enquête administrative conclut à sa radicalisation.

Une zone de contrôle de 20 km autour de points de passage frontaliers extérieurs est instituée, visant à lutter contre l’immigration clandestine. Ainsi, les contrôles d’identité pourront être réalisés sans justification dans les zones considérées comme frontalières.

Certaines mesures propres à l’état d’urgence n’ont toutefois pas été reprises par la nouvelle loi qui ne fait pas état de la possibilité d’interdire une manifestation, ou de dissoudre une association.

Enfin, s’agissant des procédures en cours dans le cadre de l’état d’urgence, elles feront l’objet d’une évaluation.

La procédure se fait garante des libertés individuelles.

La circulaire de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, en date du 6 décembre 2017, précise les garanties apportées à l’individu dans le cadre de cette nouvelle loi antiterroriste.

  • le champ d’application de la loi se limite désormais au but de prévention d’un acte de terrorisme
  • la durée d’application des différentes mesures est limitée dans le temps
  • les personnes concernées par ces mesures pourront saisir le juge des référés
  • un contrôle a priori des mesures individuelles est instauré, notamment pour les visites et saisies
  • un nouveau crime est introduit dans le Code pénal : le fait pour une personne ayant autorité sur un mineur de faire participer ce dernier à une association de malfaiteurs terroriste

Enfin, le Conseil constitutionnel a censuré le 1er décembre dernier l’article 8-1 de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence qui prévoit que le préfet peut autoriser dans des lieux « qui doivent être précisément définis » et pour une durée « qui ne peut excéder 24 heures » des contrôles d'identité, des fouilles de bagages et des visites de véhicules.

Le Conseil écrit : « En prévoyant que ces opérations peuvent être autorisées en tout lieu dans les zones où s'applique l'état d'urgence, le législateur a permis leur mise en oeuvre sans que celles-ci soient nécessairement justifiées par des circonstances particulières établissant le risque d'atteinte à l'ordre public dans les lieux en cause » (…) « le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre (...) la sauvegarde de l'ordre public et (...) la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée ». 

La loi du 30 octobre 2017 aura jusqu’au 30 juin pour être mise en conformité avec cette décision. 

« De la dentelle de l’antiterrorisme » pour un député LREM, une « escroquerie » pour le Front National, la nouvelle loi, en vigueur jusqu’à sa réévaluation en 2020, a déjà fait l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel par la ligue des Droits de l’Homme notamment.