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Surpopulation carcérale, rats... Les prisons sont au bord de l'implosion. Réagissons

 

 

La décision du tribunal administratif de Melun vient de tomber : par ordonnance du juge des référés en date du 6 octobre 2016, la justice donne injonction à l’administration pénitentiaire de prendre dans les meilleurs délais les mesures nécessaires pour lutter contre la prolifération des rats et autres nuisibles à la prison de FRESNES.

Malheureusement la situation sanitaire à FRESNES n’est que la partie immergée de l’iceberg compte tenu de l’état général des prisons françaises : le monde carcéral souffre pour l’instant en silence mais jusqu’à quand ?

Le délabrement carcéral est physique mais aussi moral : si les bâtiments sont touchés, les détenus mais aussi l’ensemble du personnel intervenant le sont aussi surveillant famille avocat médecin.

Car si les rats grouillent et font réagir, les détenus eux aussi grouillent… Avec 68819 personnes actuellement incarcérées pour une capacité totale de 58561 places, le nombre de détenus a atteint un nouveau record avec un taux d’occupation de 117, 5 %.

Cette surpopulation carcérale record suscite peu de réactions et c’est dommageable.

On peut comprendre que la population française n’ait pas envie d’entendre les difficultés rencontrées dans l’univers carcéral : elle-même face à des problèmes quotidiens financiers familiaux emploi ne souhaitent pas il faut le dire plaindre des détenus qui, pour la majorité de l’opinion publique, ont bien mérités la place qu’ils occupent.

Une partie de la population va d’ailleurs plus loin et pensent que les conditions de détention sont bien trop faciles combien de fois pouvons nous entendre au détour d’une conversation leur statut de « privilégiés « bénéficiant même de la télévision en cellule tout en étant nourris et logés grâce aux impôts versés par d’honnêtes citoyens.

Les rats passant d’ailleurs très furtivement à travers ce discours…

Ce raccourci très démagogique doit pourtant être rappelé car c’est la cause principale du désintérêt de l’opinion publique et des politiques la critique de la prison n’étant pas un thème très vendeur.

L’enjeu est pourtant primordial de combattre ces idées reçues et surtout d’élever le débat : il ne s’agit pas du bien-être du détenu mais bien de sa dignité, d’un traitement inhumain et dégradant, et surtout ce qui est loin d’être un détail de sa REINSERTION et par la même de la prévention de la RECIDIVE…

Dans ce contexte, il est aisé de comprendre que la surpopulation carcérale n’a pas pour seul effet une dégradation des conditions matérielles de la détention mais bien aussi une dégradation de la prise en charge humaine (travailleur social soins médicaux ou psychologiques recherche d’emploi).

Toujours dans ce contexte on comprend également qu’on ne peut se contenter du « tout carcéral » et que la loi prévoit des solutions alternatives notamment par le recours aux aménagements de peine.

Ces procédures concernent principalement le placement sous bracelet électronique, mesure la plus connue, mais aussi le placement en centre de semi-liberté, le placement extérieur, ou la libération conditionnelle.

Ici encore il faut écarter la démagogie car l’ensemble des études faites sur ce point arrive à la même conclusion : l’effet de l’aménagement de peine à la sortie est statistiquement confirmé.

Pour exemple il suffit de citer que 60% de ceux qui ont porté un bracelet électronique ne font pas l’objet d’une nouvelle condamnation dans les 5 ans. 

En outre, et contrairement à ce qu’affirment les détracteurs de ces mesures alternatives, l’aménagement de peine n’est pas un succédané de la prison et ne correspond nullement à un « cadeau » du législateur ou de l’institution judiciaire.

Il s’agit de rappeler que les personnes condamnées bénéficiant d’une telle mesure  exécutent bien leur peine(ils ont d’ailleurs un numéro d’écrou) mais dans un autre lieu que la prison, ce qui permet, argument non négligeable, de ne pas perdre son emploi et de maintenir des liens avec la famille : la journée doit être consacrée au travail ou à la recherche d’un emploi et le soir il y a un enfermement avec des horaires stricts soit à son domicile soit dans un centre de semi-liberté.

Ainsi la liberté n’est que provisoire et le condamné bénéficiant d’un aménagement de peine ne peut l’oublier : ainsi concernant le bracelet électronique MME Noemie DESTOC, docteur en psychologie a pu constater :

« le pse est une peine très intimiste, elle s’introduit au sein de la sphère privée. Ce qui n’est pas toujours facile à gérer avec la famille, le conjoint, les enfants. Les murs de la prison ne sont pas physiquement présents, mais doivent se construire dans la tête »

Autre argument choc qui plaide en faveur de ces mesures : leur coût moindre qui a notamment été évalué à 10 euro par jour pour un bracelet électronique contre 100 euro par jour de prison.

Elémentaire ? Pas tant que cela puisque les chiffres officiels du ministère de la justice indiquent une baisse de 10,7 % des aménagements de peine entre 1er janvier 2015 et 1er janvier 2016.

Le paradoxe : montrer du doigt uniquement les échecs et faire porter le poids de la responsabilité aux magistrats  devenus peut être frileux à l’octroi de telles mesures tout en étant pourtant en majorité convaincus de leur bien-fondé…

Alors la prison grouille et continue de grouiller de plus belle ; d’autant que certaines prisons, dont Fresnes, à défaut de Dératiser tentent de Déradicaliser.

Là encore le malaise gronde :

Le rapport du 7 juin 2016 de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté n’a fait que révéler le malaise des professionnels concernant la problématique du regroupement des personnes détenues radicalisées.

Ces Unités Dédiées existent dans quatre prisons : Lille, Fresnes, Osny et Fleury Merogis et l’objectif annoncé de cette mesure était simple et précis : lutter contre la radicalisation des détenus en empêchant la « propagation » d’un prosélytisme religieux radical.

En terme médical : on isole le virus pour éviter la contamination…

L’ouverture de ces 4 Unités Dédiées, excepté celle de Fresnes déjà en expérimentation, s’est échelonnée de janvier à mars 2016 et le premier bilan est plus que critique.

En effet, au-delà du débat sur leur utilité se pose carrément la question de leur effet pervers voire contre-productif.

Sans balayer d’un revers de manche la complexité du phénomène de radicalisation, que ce soit d’ailleurs en milieu fermé comme en milieu ouvert, beaucoup d’auxiliaires de justice (magistrats, avocats, administration pénitentiaire,…) dont les voix sont reprises dans le rapport du 7 juin, s’inquiètent des conséquences néfastes d’une solution inadaptée.

Un jeune homme d’une vingtaine d’années, mis en examen pour association de malfaiteurs et détenu depuis plusieurs mois au sein de l’Unité Dédiée de Fresnes, a tenté de nous faire partager sa peur et son désarroi :

« Être mélangé avec ceux qui sont partis se battre en Syrie et qui ont du sang sur les mains (alors que lui, sans antécédent judiciaire, n’a jamais quitté la France) cela signifie ne parler que de religion, écouter leurs « conseils », entendre leurs « exploits « en Syrie, entendre aussi les cris de guerre qui durent parfois toute la nuit et finir par ne plus sortir en promenade… »

Pour résumer nous dit-il, les plus modérés sont soumis à une pression constante des plus radicaux, les plus influençables ou simplement immatures pouvant se faire recruter encore plus rapidement et facilement dans ce vase clos qu’est l’Unité Dédiée.

LA CONCLUSION : le monde carcéral est au bord de l’implosion et le malaise est loin de ne toucher que les détenus mais bien tous les acteurs intervenant au quotidien dans ce monde à part…

Cerise sur le gâteau et pour finir de s’en convaincre, rapide détour à l’entrée de la maison d’arrêt de Fleury Merogis où en raison de travaux le personnel pénitentiaire et judiciaire grouille …plus d’une demi-heure afin d’accéder à leur lieu de travail…ambiance assurée dans les rangs…